Homélie et éloges prononcés
(notamment) à l’occasion de la messe d’adieu – 2005
Le mot de Tatiana, nièce du Père Serge
Discours
de Jean-Paul Misson (rhétorique 1970)
Mon hommage personnel (Georges Charneux)
Photo
précédente Page principale
Funérailles du P. Serge de
Radzitzky, 9 décembre 2005 au Chant d'Oiseau
Rm 14, 7-9.10b-12 ; Jn 6, 51-54, 58 (extraits
de Jn 6, 51-58)
Celui qui nous rassemble ce
matin au repas de la Parole et du Pain, n'était pas là pour nous accueillir.
Famille selon la chair, famille selon l'esprit, et tant d'hommes et de femmes
qui, à Marche, à Arlon, ou ailleurs, ont été nourris par sa passion du latin et
du grec, des traditions et de la culture, enrichies par la foi. Il y a quelques
jours, en effet, comme l'aurait dit Pascal, Serge a vécu " l'incident
de la mort ". Formé à l'école de François d'Assise, il l'aura reçue
comme une Sœur. Et la foi se joint à l'espérance pour nous murmurer qu'il a
atteint désormais dans la paix la plénitude de son être.
Un départ, qui n'est pas une
fuite ni une disparition, mais le passage d'une rive à une autre. Il a en
quelque sorte quitté sa résidence secondaire pour rentrer à
La mort est ainsi la fin d'une
pérégrination, un passage, une Pâque, une naissance pour toujours. Je ne meurs pas, écrivait Thérèse de
Lisieux, j'entre dans la vie. Ce que l'on enterre est semence, dira plus tard Antoine de Saint-Exupéry. Il
n'empêche que si la mort est certitude, elle est aussi mystère qui nous
dépasse.
C'est ce que saint Paul a
voulu quelque peu éclaircir en s'adressant aux chrétiens de Rome, blessés et
affaiblis par des déchirures communautaires. Une communion menacée par des
affrontements entre deux sensibilités différentes, concernant des problèmes de
nourritures et de rites, de contraintes et de libertés, de pratiques
dévotionnelles et de signes identitaires, des forts et des faibles. Alors que
tous et chacun, écrit Paul, nous comparaîtrons devant le tribunal de Dieu.
Il arrive souvent, il est
vrai, que la vie nous sépare, nous divise, et même nous oppose. Par contre, la
mort nous rapproche. Elle, qui nous impose son silence et fait taire nos
discordes. D'autant plus que nous aurons chacun à rendre compte à Dieu pour
nous-mêmes. Nous ne sommes par pour autant livrés à nous-mêmes sans objectif,
sans boussole, sans conseils et sans vivres. Le Verbe lui aussi s'est fait
chair. Et la chair s'est faite pain. Une Parole et un Pain qu'il ne s'agit pas
seulement de manger, comme on le dit très poliment. Mais bien, comme l'écrit
saint Jean : un pain à croquer et à mâcher, pour en souligner davantage
l'importance et l'intériorisation nécessaires. Car il n'y a pas ici de place
pour la magie. Il s'agit d'abord d'une rencontre personnelle avec Jésus le
Christ. Puis, à cause d'elle et à partir d'elle, nos rencontres avec nos frères
et sœurs en humanité. Il n'y a pas, en effet, de sacrement authentique qui
n'entraîne un comportement nouveau. Cette expérience de l'amour de Dieu
dans l'eucharistie, écrit un mystique de notre temps, est aussi un
commandement : " Aimez-vous de l'amour dont je vous ai
aimés ". D'ailleurs, Jean n'a même pas relaté l'institution du repas
eucharistique, mais seulement le lavement des pieds. Une autre présentation de
l'eucharistie, inséparable du repas de
C'est dans cette même
perspective que le Père Serge aura voulu abandonner, ou plutôt offrir son corps
à la science, dans le prolongement même du témoignage de Jésus dans l'évangile
de Jean : un signe et une volonté de don et de partage. Il est vrai qu'il
entretenait une sorte de passion eucharistique, à la fois réservée et
irrésistible. Une semaine environ avant sa mort, c'est-à-dire son entrée dans
la vie, il célébrait encore l'eucharistie dans sa chambre avec deux fidèles
pensionnaires de sa résidence. Tels les disciples d'Emmaüs.
Mais ce n'est qu'après son
retour à
" Un à un, Seigneur, je vois et j'aime ceux
que vous m'avez donnés comme soutien et comme charme naturel de mon existence.
Un à un aussi, je les compte les membres de cette autre et si chère famille
qu'ont rassemblés peu à peu autour de moi, à partir des éléments les plus
disparates, des affinités du cœur, des occupations et de la pensée. Plus confusément,
mais tous sans exception, je les évoque. Ceux dont la troupe anonyme forme la
masse innombrable des vivants : ceux qui m'ont entouré et qui m'ont
supporté sans que je les connaisse ; ceux qui viennent et ceux qui s'en
vont ; ceux-là surtout qui, dans la vérité ou à travers l'erreur, croient
au progrès des Choses, et poursuivront passionnément aujourd'hui la lumière.
Tout ce qui va progresser dans le Monde, au cours de cette journée. Tout ce qui
va diminuer - Tout ce qui va mourir aussi - Voilà, Seigneur, ce que je
m'efforce de ramasser en moi pour vous le tendre. Voilà la matière de mon
sacrifice, le seul dont vous ayez envie. " Une offrande qui peut
aujourd'hui devenir la nôtre.
Père Fabien Deleclos (né à Orp-le-Grand le 9 janvier 1925
et retourné à la maison du Père le 16 juillet 2008).
Permettez-moi, je
vous en prie, de m’adresser encore une fois au Père Serge qui est, j’en suis
sûre, de cœur avec nous.
Depuis, sans même
les compter, 50 années
Vous fûtes l’ami
tant attentionné
De mes parents,
de mes frères et sœurs,
De moi aussi avec
tellement de cœur
Vous arrivâtes en
notre cher Bois Saint Jean
Tout neuf, peu
avant le mariage de Marie
Et chaque
dimanche, pour tous ses habitants
Vous avez célébré
la messe en cette famille.
Il est vrai que,
quelque part, vous en faites partie
Qui doit oserait
affirmer le contraire ?
Pour tous les
moments de notre vie,
Vous étiez là si
gentiment, en Père.
Les nombreux
mariages, les baptêmes,
Les communions,
les anniversaires et autres
Vous les avez
presque tous célébrés, partagés et même
Vous nous avez
conseillés, en vrai apôtre.
Lorsque maman
s’est installée à la séniorerie
Il ne se passait
pas deux mois où vous y alliez
Lui apporter une
attention toute fleurie
Et votre écoute
attendue par elle pour mieux prier.
Vous étiez un
homme profondément bon,
Un prêtre comme
il y en a peu
Qui tout droit,
j’en suis sûre, est montée aux cieux
Partager avec les
autres tous ses dons.
Père Serge, en ce
jour d’à Dieu
C’est encore
mille et mille fois Merci
Qu’au nom de la
famille je vous dis
Pour votre bonté
et votre sourire merveilleux.
Un petit mot à propos de l’oncle.
Il y a d’abord dans mes souvenirs lointains l’oncle éducateur….Droit….Un
peu sévère…Juste comme il faut pour apprendre dans le respect….Mais aussi pour
bien développer sa personnalité.
Ensuite est apparu, une fois qu’on ne pouvait plus vraiment faire autre
chose de moi, l’oncle, je dirais grand-père, toujours droit mais conseiller
attentif, échangeur. Que de partages et de découvertes. Quelle joie de sa
curiosité amusée lors de nouvelles expériences gustatives, paysagères,
technologiques…
Merci de m’avoir accompagnée dans mes croissances physiques et psychiques
du corps et de l’âme.
Je sais, oncle Serge, que de là-haut vous continuez à veiller
« éducativement » et « grand-pèrement » sur moi comme sur
toute la famille.
Le Père Serge !
Comment était-il ? Etait-il autoritaire ?
Sévère ? Cool ? Franc ? Direct ? Un bon vivant prêt à
rigoler ? Probablement un peu de chaque mais en tous cas toujours
respectueux de son interlocuteur à condition que celui-ci ne soit ni snob ni
pédant, ou pire sans gêne.
Que nous a-t-il appris ? Du latin et du grec ? Oui un peu !
De l’histoire ? A la comprendre et à en retenir les leçons
certainement. Des mathématiques ? Certainement non, il les avait en
horreur. La religion ? Oui, pour les valeurs qu’elle représente. L’art et
la culture ? A y être sensible en tous cas.
En réalité, réflexion faite c’était un formidable meneur de jeunes hommes.
Pas comme le chef qui harangue et galvanise les foules, mais bien comme celui
qui, proche des uns et des autres savait encourager chacun, le mettre en face
de ses responsabilités et lui en confier. Doté d’une forte personnalité, il
utilisait celle-ci pour donner confiance à ses élèves. Il était certes
exigeant, parfois même un peu trop, mais il était toujours très fier de ses
élèves - pas pour lui, pour eux. Confiant et conscient du potentiel de tous, il
veillait à ce que chacun valorise ses talents et aille au bout des ses possibilités.
Ainsi au travers d’activités et autres ateliers, il veillait à ce que
chacun puisse s’exprimer et se mettre en valeur et apprenne quelque chose. Il
ne les a certainement pas toutes créées mais c’était avec SES rhétos qu’il
organisait les séances de diction, la fancy-fair, le ciné-forum qui nous
permettait de rencontrer les autres écoles de Marche etc., sans oublier
Nous étions également soumis en rhéto à un exercice qui nous paraissait périlleux
à l’époque, celui de la rétrospective de nos humanités. C’était un exercice
qu’il appréciait beaucoup car il était censé nous faire faire un retour sur
nous-mêmes au travers de textes de la littérature française mais aussi latine
et grecque. Il mettait certes une cote, c’est le rôle du professeur, mais il
m’avait dit plus tard que, ce qui l’intéressait surtout, c’était de voir lui,
et de nous faire voir à nous qui nous étions les uns et les autres.
« Γνωθι
σεαυτον » disait Socrate.
« Connais-toi toi-même et va au bout de toi-même » répétait le
Père Serge.
Le Père Serge, qui était-il ? Un enseignant ? Un pion ? Un
professeur ? Un éducateur ? Un prêtre ? Prenez un peu de chaque,
mettez un peu d’écoute et de sensibilité et vous en faites un Maître que nous
n’oublierons jamais.
Qui était le Père Serge? Nous l’avons journellement côtoyé lors de nos
études, nous le surnommions « Dju », nous reproduisions la façon
qu’il avait parfois de passer sa main sur sa gorge, nous imitions sa voix en
affirmant que le monde était envoûtant, certains d’entre nous l’ont
peut être détesté mais nous ne pouvons nier qu’il nous a tous profondément
marqués.
Que nous apprennent les pages que nous venons de lire ? Nous avons
revécu nos jeunes années, nous avons découvert le Père Serge à 15 ans en
culotte courte avec ses amis, puis jeune prêtre avec ses parents, nous l’avons
connu comme titulaire de rhétorique et enfin dans sa vieillesse. Mais les
photographies et les témoignages rassemblés ici ne peuvent vraiment donner une
idée de sa vie personnelle ou de ses préoccupations spirituelles. Qui plus est,
aux dires mêmes de son plus proche ami le Père Deleclos, l’homme se livrait
peu.
« Ce n’était pas
un marrant » - « Il avait une passion pour le latin et le grec »
- « Il était né pour être professeur » sont
quelques-unes des phrases qui sont spontanément venues dans la bouche du Père
Deleclos lors d’un entretien en juin 2006.
D’après celui-ci, le Père Serge semblait accorder une grande importance à
la noblesse de sa famille et de ses parents ; mais il est certain que pour
lui la noblesse était d’abord et avant tout source de devoirs envers les
autres.
Passionnément épris de culture classique, il consacra sa vie à la
transmettre à ses élèves ; aucun d’entre nous n’ignore que le collège a
été sa vie et que devoir le quitter a été pour lui un grand déchirement. Ses
archives offrent sur le collège, ses professeurs et ses élèves, une masse
surabondante de documents : photographies des bâtiments, des élèves, de
certains professeurs, d’activités comme
Sait-on qu’il conservait les messages de Nouvel An que ses élèves lui
adressaient ? Qu’il découpait dans les journaux toutes les nouvelles qui
concernaient un élève du collège, même si celui-ci n’avait pas été jusqu’en
rhétorique ? C’est ainsi qu’il conservait mémoire de ceux d’entre nous qui
ont trop tôt quitté ce monde comme par exemple l’ancien administrateur général
de
Rien d’étonnant dès lors que beaucoup de ses anciens élèves le lui
rendaient bien et que ses archives recèlent nombre de vœux de Nouvel An, de
photos de familles prises en toutes occasions, d’annonces de mariage, etc.
Au travers de ses archives se lit une évidence : lui qui avait fait
vœu de ne pas avoir d’enfants selon la chair a aimé chacun d’entre nous comme
ses enfants selon l’esprit. Ainsi
faisait-il sienne sans réserve cette parole de Saint Jean : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai
aimés ». (Jean, 15, 9-17)
Photo
précédente Page principale