Le Père Jean-François (24 février 1929 – 3
juillet 2009)
Guy Rosier
(en religion le Père Jean-François) est l’une des figures historiques du
collège où il est resté après la fusion avec l’Institut Saint Remacle, jusqu’à la vente des bâtiments à la commune de Marche-en-Famenne, tout comme le Père Gédéon.
Depuis 1958
jusqu’en juin 1982, il fut titulaire de la classe de 5ème ;
c’est avec lui que nous faisions nos premiers pas en grec qui n’était alors
enseigné qu’à partir de cette classe. Il avait une grande autorité, tempérée de
beaucoup de bonhomie et nous guidait avec un art consommé dans les arcanes des
grammaires grecque et latine. Il ne nous fit jamais découvrir un auteur (si ce
n’est Charles-François Lhomond qui écrivit le célèbre
« De Viris
Illustribus») mais c’est lui qui nous a donné les
bases indispensables pour découvrir ensuite les grands auteurs latins ou grecs.
Son bureau
était une véritable bibliothèque pour jeunes et il nous prêtait de nombreux
livres ; c’est dans un exemplaire lui appartenant que l’auteur de ces
lignes a découvert notamment « Un
Capitaine de Quinze Ans » et « L’Ile Mystérieuse » de Jules Verne.
Il était en
charge du chauffage du collège et nous nous souvenons également de lui – avec
quelque amusement d’ailleurs- comme d’une figure en salopette guidant avec
force gestes les camions-citerne en train de
manœuvrer dans la cour de récréation.
Avec le Père
Gédéon, il resta longtemps fidèle à l’habit franciscain que bien d’autres
avaient abandonné à la suite du concile.
Lorsque ce
fut la fin de l’enseignement traditionnel, il s’en alla à Saint Remacle où il fut professeur jusqu’en 1989, date de sa
pension.
Il séjourna
ensuite au couvent de Bertrix ; il y fut chargé
de la catéchèse paroissiale et de la pastorale au service du couvent et de la
paroisse décanale de Bertrix. Il s'est beaucoup
occupé des mouvements de jeunes puis céda le flambeau aux plus jeunes pour ne
plus se consacrer qu'aux baptêmes.
Le 3 juillet
2009, il est entré dans la joie du Christ ressuscité. Il était âgé de 80 ans.
Ci-après, en
dessous de la galerie de photos, le mot d’introduction et l’homélie prononcée à
cette occasion par le frère Antoine Collot, également
franciscain, ainsi que deux messages d’anciens.
Galerie de photos (cliquez sur les photos pour
les agrandir)
Funérailles de Frère Jean-François ROSIER
(Leuven 24-02-1929
- Bertrix
03-7-2009)
Salutation adressée à :
Frère
Dominique Joly, Ministre provincial
Monsieur le
Doyen de Bertrix, Jean-Paul Demaret
Confrères
présents
Prêtres concélébrants
Sœurs et
frère, belle-sœur et beau-frère,
Nièces et
neveux
Petites-nièces
et petits-neveux de l’oncle Guy
Monsieur
Etienne Motoul et les membres de la chorale
paroissiale
Paroissiens
de Bertrix
Amis,
connaissances, anciens élèves
Notre cher
Jean-François réunit vraisemblablement cet après-midi (du lundi 6 juillet 09)
des croyants et d’autres qui doutent ou qui cherchent, qui s’interrogent sur la
nature de l’au-delà… Même le croyant n’est pas sans se poser de questions face
à l’arrachement d’un proche… Merci à toutes et à tous pour votre présence. Même
si vous ne partagez pas ou plus notre foi, soyez remerciés d’être venus vous
associer à notre prière. Votre présence silencieuse nous réchauffera le cœur.
Passer à
l’église pour un chrétien, c’est se confier, s’ouvrir à quelqu’un, certes
invisible, mais bien présent : « Lorsque deux ou trois se réuniront en mon nom,
je serai là au milieu d’eux » nous a dit Jésus. Et ce Jésus, mort sur une croix
il y a près de deux mille ans en livrant volontairement sa vie pour nous, nous
le croyons ressuscité, vivant. Le cierge pascal symbolise sa victoire sur la
mort et son attentive et aimante attention aux siens. Sa flamme va être
transmise aux cierges qui entourent le cercueil de notre frère. L’étole se
trouvant sur l’autel et qui va être posée sur le cercueil est celle que notre
frère portait le plus volontiers pour ses célébrations dont les baptêmes.
Homélie pour les funérailles de Fr. Jean-François Rosier
Lectures :
Epitre : Tite 2, 1. 6-7. 11-14. Evangile :
Mt 18, 1. 5-10.
Entrée dans
le Royaume des cieux, union aux créatures célestes qui y contemplent sans trêve
la face du Père, c’est ce que nous sommes venus demander pour notre frère Jean-François
dans notre prière. Il m’a semblé en préparant cette eucharistie que l’exigence
posée avec vigueur par Jésus à ses disciples l’avait été aussi avec une même
acuité à notre frère. « Si vous ne
changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans
le Royaume des cieux ». Ce
changement exigé d’un adulte intelligent, diplômé, cultivé ne représente pas
une mince affaire. Cela demande de se dessaisir, de se dépouiller de ses
certitudes pour faire confiance et accueillir la présence divine comme un petit
enfant reçoit en toute candeur l’amour de ses proches.
Je ne
retracerai pas par le menu toutes les étapes de la longue vie de notre frère :
80, c’est un exploit, lui écrivais-je le 24 février dernier. Il était né à Leuven, mais avait passé son enfance et son adolescence à Salzinnes, au contact de l’atmosphère ouverte d’études
suivies à l’Athénée où son papa enseignait et aussi au contact du couvent
franciscain que sa famille fréquentait. Son sourire et sa bonhomie rappelaient
à un confrère l’accueil chaleureux de sa maman. Pour ma part, son imposante
stature évoquait, en un peu plus petit toutefois, celle de son oncle paternel,
« Heer Oom», prêtre vivant
en Hollande. Il m’impressionnait quand il venait célébrer dans la chapelle de notre
noviciat lors de ses visites en famille. Cette famille, le jeune Guy la quitta
pour devenir frère Jean-François le 6 septembre 1946, puis il s’engagea à vivre
l’Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ, dans l’obéissance, sans rien
posséder en propre et dans la chasteté, d’abord pour un temps, puis
définitivement et solennellement le 17 septembre 1953. Quelques mois plus tard,
le 12 décembre, il recevait l’ordination sacerdotale.
Son vœu
d’obéissance l’amena à apprendre l’allemand, puis à entreprendre et à réussir
avec brio des études de philologie classique. S’en suivirent 34 années
d’enseignement dans le secondaire au Collège de Marche. Je soupçonne, étant
donné l’importance attachée à l’époque aux aspects ascétique et légaliste de la
vie religieuse, qu’il y puisa quelques réflexes et balises auxquels il demeura
fidèle toute sa vie. L’abandon du Collège de Marche par les Franciscains
constitua pour lui une croix de taille à porter à la suite de son Maître. Les
développements théologiques du Concile Vatican II lui
permirent heureusement d’entrer dans une optique nouvelle de « conversion », de
« réorientation de la pensée » pour animer le monde du souffle de l’Evangile.
Sa fidélité aux rencontres théologiques d’Ottrott
jusqu’en ces dernières années indiquait sa volonté d’ouverture à l’aujourd’hui
de Dieu.
Ces mutations
auraient pu lui valoir aussi un changement de prénom et de Jean-François
devenir Jean le Baptiste. Je le sentais pleinement épanoui lorsqu’il associait
les enfants présents de la famille au baptême d’un nouveau né ou d’un plus
petit. Le même entrain se reproduisait plus de deux fois par mois. Il vivait
alors en plein à la suite de Jésus rappelant à l’ordre les siens : « Laissez faire ces enfants, ne les empêchez
pas de venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux
» (Mt 19, 14). Notre frère n’avait pas son pareil pour leur raconter et leur
faire vivre les récits bibliques. Sa tâche le transformait, laissant pointer
sous le sérieux des talents de clown. Les dits talents alimentaient aussi chez
lui dès le petit déjeuner de subtils jeux de mots. Il nous arrivait de nous
regarder étonnés et sans comprendre aussitôt. Sa pratique des mots croisés et
autres fléchés le rendait imbattable en la matière. Il l’était moins dans l’art
culinaire et le réglage des fours, mais il s’y adonnait avec un aussi grand
dévouement. Sa prédication aux adultes se détachait rarement de ses feuilles surlignées, préparées dès le
début de semaine pour le dimanche suivant, avec beaucoup d’application. Que le
terme de sa vie, survenue un vendredi à 3 h de l’après-midi, attendue sans
murmure malgré des forces musculaires en déclin progressif, que le terme de sa
vie lui ouvre tout grands les bras du Père des cieux. Enfant de Dieu dès
ici-bas, qu’il lui devienne semblable et Le voit tel qu’Il est (1 Jn 3, 2).
Fr. Antoine Collot
P.S. Un de
ses collègues à Marche rappelait avant la célébration comment les élèves le
surnommaient. « Uncle Bens
» parce qu’il ne colle jamais !
Message de M. Georges-David
Rosier, beau-frère du Père Jean-François
Vendredi 3 juillet 2009, 15 heures. Le Père
Jean-François s’éteint, notre frère, cousin, Oncle Guy nous a quittés.
Le soir, au pied de son cercueil, je le regarde. Il
repose, enveloppé dans sa bure, le visage encadré par le capuce et ce que je
vois n’est pas la mort, malgré le silence, les candélabres, les bougies, le
bénitier et son goupillon. Je vois l’expression d’une paix, celle d’un ouvrier
endormi, une fois le travail fini, achevé. Je vois se dessiner sur ce visage
immobile la signature de la fin d’une vie terrestre, celle à laquelle à 17 ans,
il a donné un sens : la réponse à un appel, une réponse inlassablement
maintenue intacte avec obstination, paisible, souriante, amicale.
Bien des années plus tard, quand on lui demandait le
sens de sa vocation, il répondait « apporter
la bonne nouvelle ». Apporter, témoigner, non seulement dans
l’Eucharistie, ses homélies, ses baptêmes, son enseignement, son action, mais par
sa seule présence éclairer celle du Dieu vivant en lui.
Cette réponse, il allait la partager largement au sein
de ses familles, car le Père Jean-François en avait plusieurs.
D’abord sa famille franciscaine, et en particulier,
dans ses derniers jours, ses compagnons de communauté, les Pères
François-Xavier, Stéphane et Eric qui l’on assisté, aidé, soigné, entouré de
leur compassion, de leur amour. Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés
pour lui avoir permis de mourir dans « sa maison », dans un sommeil
apaisé, entouré des siens, grâce accordée avec le soutien des héritiers de
François d’Assise.
Ensuite, la famille de Guy Rosier, le fils, le frère,
le cousin, l’oncle Guy pour ses douze neveux et nièces, grand-oncle pour ses 26
petits neveux et nièces. Comptez autant de mariages bénis par sa main, autant
de baptêmes administrés par la même main qu’il avait large et généreuse.
Quelle joie de le recevoir pour de courtes vacances
dans nos familles, de le solliciter pour des préparations d’examens scolaires,
des énigmes de mots-croisés, de lui demander d’intercéder Là Haut pour alléger
les difficultés de nos vies, de l’interroger sur tel ou tel point des
Ecritures, d’assister à l’Eucharistie à la maison. Joie aussi d’avoir pu, tous
ensemble fêter ici ses 50 ans de prêtrise.
Compagnon Guy nous a quittés mais nous pouvons être
certains que là où il est, il continuera de veiller sur les siens.
Innombrable famille enfin de tous ceux et celles qui ont
eu le privilège de le connaître, ses confrères en religion, ses amis aux
séances de recyclage spirituel à Ottrott, ses
étudiants, ses paroissiens. Ceux et celles qui ont connu le prêtre et ont
bénéficié de cette présence d’amour qu’il portait en lui.
Vendredi 3 juillet, 15 heures. Le Père Jean-François
vient d’être appelé à entrer enfin dans
Les flammes des candélabres ont vacillé et je vois
maintenant sur ses traits le reflet aveuglant de
Enfin, deux éloges d’anciens –amplement mérités.
Il est de ces
hommes et femmes que l'ont croise dans sa vie, principalement à l'adolescence
et qui tiennent lieu d'aiguillage sur la voie de notre vie. Si parfois
certaines rencontres peuvent vous pousser sur une voie sans issue, d'autres au
contraire vous marquent de leur expérience pour vous entraîner sur les plus
beaux chemins. Le père Jean-François était de ceux-là.
En contact
avec les jeunes grâce à l'enseignement, sa présence en classe était source de
savoir scolaire bien sûr, mais bien plus encore. Par son seul exemple, il
formait de jeunes gens à devenir des adultes épanouis et heureux.
J'ai eu la
chance de faire partie de sa toute dernière classe à Saint-Remacle
où j'ai pu suivre ses cours de latin et de grec. Je n'ai suivi ses cours que
pendant 1 an, et pourtant il est de ces personnes dont je garderai un souvenir
vivace jusqu'à mon dernier jour. Je pense qu'il est la personnalité qui a le plus marqué mon adolescence. Pour tout çà, je l'en
remercie de tout cœur. Et si un jour on me demande de définir à la fois la
bonté, la gentillesse et le don de soi, je répondrais sans hésiter "le
père Jean-François".
Denis Petitjean (élève à l’Institut
Saint Remacle)
Le Père
Jean-François a été celui qui nous a initiés à l'Alpha jusqu'à l'Omega. C'est
sans doute par lui, pour le début, que j'en suis arrivé à prénommer mes enfants
Antigone et Ulysse.
Ses concours
de grammaire latine sur les exemples et exceptions ("Turba
ruunt") du manuel PETITMANGIN
ont été pour quelque chose dans le 20/20 en grammaire italienne de ma première
candi "te Leuven".
On se
souviendra de ses tableaux sur les pronoms relatifs latins qui apportaient plus
de lumière pour l'étude et qui sont encore utilisés pour aider des enfants
aujourd'hui.
Notre Père
"Jef" n'était pas que cela, mais il était
déjà tout cela. Cela mérite toute notre considération et notre peine. Que la
terre lui soit légère!
Thierry CLAUDE (élève au collège Saint François)