Le Père Stanislas (10
novembre 1926 - 10 octobre 2014)
Vincent de Radiguès
de Chennevière (en religion le Père Stanislas) fut
titulaire de la classe de troisième latine de 1959 à juin
A l’heure actuelle, il séjourne à la fraternité franciscaine de Louvain-la
Neuve ; mais il est encore bien actif puisqu’il assure les services
dominicaux à l’église Saint François de Bastogne. Dieu toujours premier
servi !
Comme le verra, la documentation iconographique conservée à son propos est
assez réduite. Mais le texte ci-dessous, extrait de FAMA, écrit par un élève
anonyme aussi admiratif que talentueux laisse plus que deviner le souvenir
qu’ont de lui nombre de ceux qui ont été ses élèves…
Adieu au Père Stanislas
Il survint par un petit
vent de décembre, la mine sévère, la plume ardente.
Il allait
révolutionnaire, il allait, le sourire et la pipe aux lèvres
Mais le vent passe et le
voilà reparti. Dieu sait où ? Qu’en reste-t-il ?
Souvenir de brume, de
confiance passée. Tonnerre grondant un soir d’étude que septembre pleurait.
Souvenir à jamais lié à
Salluste, à Bach, à Verlaine et combien d’autres qu’en professeur sévère et
désinvolte, il a su nous faire aimer.
Tourbillon enfumé au
long des corridors, fleurant la pipe et le savon frais.
Mais que de confiance et
d’amitié dans ce rire, dans ces bourrades de réconfort…Que de patience à
écouter, à comprendre, à trouver le mot juste. Il était disponible.
Mais le vent passe et
septembre revient sans vous. Vous avez emporté la mine et la plume, le rire et
la pipe et un peu du collège.
Mais pour tout ce que
vous avez donné comme prêtre et pour l’amitié que ces onze années ont fait naître au collège, merci.
(Ce texte
d’hommage au Père Stanislas a été publié anonymement dans Fama,
à la rentrée 1970)
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Pour Vincent ...
En méditant
1Cor
(9, 16-19, 22-23) et Lc
(7, 31-35)
Vincent aimait-il particulièrement ce texte de Luc?
Je l'ignore.
C'est pourtant un texte qui lui va bien, je le
sens. Pour quelle raison? Je ne saurais trop le dire. Il pourrait y en avoir
plusieurs. L'air de la flûte? Sûrement! Les gamins espiègles, la musique des
mots? Pourquoi pas?
Je l'entendrais bien en tout cas lire, sur un ton
qui n'appartenait qu'à lui: "Voilà un glouton et un ivrogne". Et je
l'imagine aisément, agacé par leurs minauderies, invectiver les bien-pensants
irrésolus qui font la coquette, ceux qui ne veulent pas de Jean-Baptiste, parce
qu'il a le cerveau un peu fêlé à force de privations, et encore moins de Jésus,
beaucoup trop laxiste à leurs yeux. "Voyez donc chez qui il mange!".
- "Ils sont pelants!",
aurait lancé Vincent. - Et il ajouterait, à l'adresse de chacun: "Écoute
plutôt le petit air de flûte, là, à tel endroit, entends comme c'est enlevé,
gracieux, revigorant".
Ce petit air de flûte, si divinement enchanteur,
c'est l'Évangile, la bonne nouvelle de Jésus parlant à l'homme. Vincent avait
le souci que l'Évangile enchante l'homme, comme la musique, la poésie ou le
beau langage.
Les premières années de son apostolat, il les passa
au Collège de Marche-en-Famenne, où il enseigna, entre autres, les belles
lettres à quelques générations de jeunes adolescents. Où, à grands coups de
rabot, il réussit à dégrossir les uns, à affiner les autres. Puisque, dans ses
cours, il ne parlait que de ce qu'il
aimait, il se laissait écouter et nombreux sont ceux qui, aujourd'hui encore,
lui en savent gré.
Après quoi, au début des années '70, il voua sa
vie, jusqu'au dernier souffle, à faire connaître et aimer la belle lettre de
Dieu à l'homme, la Parole du Fils aimé, l'Évangile de Jésus-Christ.
Pour Vincent, comme pour Saint Paul, dont nous
venons d'entendre le témoignage, annoncer l'Évangile devint une nécessité, et
faire connaître Jésus-Christ, un bonheur. Une nécessité et un bonheur qui
enchantent la liberté de l'homme, sans le contraindre, mais qui donnent envie
de vivre ce que l'on écoute.
Comme Paul aussi, semeur infatigable de la Parole,
Vincent fut sans cesse en itinérance, pour offrir gratuitement l'Évangile
partout où il passait, que ce soit à la communauté chrétienne de Bastogne, ou
ailleurs, au cours de retraites, récollections ou autres sessions. Il ne
redoutait aucun auditoire. Sans parler de la correspondance, volumineuse c'est
peu dire, qu'il entretenait de manière suivie.
Méditant, travaillant, retravaillant sans relâche
les mêmes textes, pour bien parler de Jésus. Et que dire de ses homélies?
Jamais longues, toujours finement ciselées en petites perles qui se posaient,
légères et mélodieuses, dans des oreilles qui écoutent et des cœurs qui
s'ouvrent.
Oui, Vincent était heureux lorsqu'il pouvait dire
la bonne nouvelle qui enchante l'homme. Il allait et venait, inlassablement. De
Bastogne à Louvain-la-Neuve, de Louvain-la-Neuve, chaque semaine, avec, en
chemin, quelque chapelle à visiter, voire quelque château à réconforter! Il
allait d'homélie en homélie, de retraite en récollection, jusqu'à n'y pouvant
plus. Nous pressentions que le jour où il devrait s'arrêter serait celui de
l'irréversible déclin.
Je disais souvent de Vincent qu'il était le frère
"Lucide" décrit par saint François. On raconte que François d'Assise,
un jour, esquissa le portrait du parfait frère mineur. Il serait celui qui
réunirait en lui les qualités de tous les autres. En portant sur chacun un
regard affectueux, François se mit à en souligner la charmante originalité. Il
arriva ainsi au dernier, un frère inquiet qui ne tenait pas en place. "Il
ne pouvait, dit le texte, tenir un mois en un lieu. Et quand il lui plaisait de
demeurer quelque part, il en repartait aussitôt, en disant: nous n'avons pas de
demeure ici-bas, mais dans le ciel". Ce frère, François l'appelait
"Lucide", parce que, justement, il vivait que notre vraie demeure
n'est pas ici.
Vincent était donc lucide. Bastogne,
Louvain-la-Neuve, le Chant d'Oiseau, la maison des Petites Sœurs des Pauvres,
ne sont que des haltes de passage, éphémères. Voilà qu'enfin notre frère se
trouve dans la demeure de l'au-delà, de l'ailleurs, stable désormais dans le
Verbe du Père, le compagnon de sa vie.
Merci Vincent, vieil ami.
Chant d'Oiseau, 14
octobre 2014
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Vincent, mon frère.
A tous ses frères franciscains, à
vous tous, à vous toutes, frères, sœur,
cousins, cousines, amis, anciens élèves du collège de Marche et vous, fidèles du couvent de Bastogne, je vous
souhaite la bienvenue.
Avant l’office
religieux je voudrais évoquer quelques instants le souvenir de mon frère
Vincent.
Vincent est né à Uccle le 10 novembre 1926. Il était
l’aîné de six enfants. Après des études primaires au collège saint Jean Berchmans, mes
parents pensèrent que le grand air de la campagne lui ferait le plus grand bien et ils
l’envoyèrent au collège de Marche chez les Franciscains.
Nous étions en 1940, Vincent avait 13 ans,
c’était la guerre, La vie était dure et
le ravitaillement difficile.
Rentrant
à Bruxelles aux congés de Toussaint, de
Noël, de Pâques et de Pentecôte,
Vincent ramenait à mes parents
quelques provisions qu’il avait dissimulées dans sa valise, offertes par
les fermiers de Masogne dans la propriété de notre oncle Henri de Moffarts, dans les
environs de Ciney
En décembre 1944, au
moment de l’offensive von Rundstedt les bons pères redoutant l’avance des troupes allemandes, fermèrent le collège de Marche et les élèves furent priés de rentrer dans leur famille.
Vincent trouva refuge
à Masogne où il attendit la progression des armées du général Patton et du général Bradley en vue de
délivrer Mc Auliffe encerclé à Bastogne.
La guerre finie,
sortant d’humanités, Vincent mit mon
père au courant de sa vocation religieuse et de sa décision d’entrer au couvent
chez les franciscains.
Mon père, un peu
surpris, lui proposa d’entrer plutôt chez les Jésuites ou chez les Bénédictins, mais Vincent tint bon et il
entra comme novice au couvent des franciscains
à Salzinnes.
Le 28 février 1953,
il fut ordonné prêtre à Bruges par monseigneur De Smedt et le
1er mars, il célébra sa première messe, ici, au couvent du Chant d’Oiseau.
Vincent poursuivit sa formation aux
Facultés Universitaires Saint Louis sous la férule de Monseigneur van
Camp et en 1956, il rejoignit le collège
de Marche comme professeur de latin, de grec
d’histoire et de français.
Vincent avait le don de motiver et de captiver ses
élèves. Passionné d’histoire, de littérature et de musique il
transmit à ses élèves ce goût
pour l’histoire, les oratorios de
Haendel et les cantates de Bach.
Ceux-ci
l’appréciaient, mais cela ne les empêchait pas de rire ‘sous cape’ de ses
distractions.
On vit en effet
Vincent arriver au cours avec les copies
d’examens de ses élèves et entre
celles-ci sa blague à tabac et une
savonnette.
Un jour il se
présenta à la gare de Marloie pour prendre son train et
remit au guichetier une image de saint François ‘Dieu vous le
rendra.’ Le préposé un peu gêné lui
répondit : ‘Mon père, pour moi je
veux bien mais… ‘ Vincent un peu
confus fouilla dans ses poches et finit par trouver le billet de 100 francs qu’il avait préparé.
Après 17 ans passés à
Marche, Vincent partit à Lyon pour
approfondir ses connaissances en théologie et il eut le privilège de rencontrer
un grand philosophe de l’époque le père Henri de Lubac.
Rentré en Belgique,
il prit la responsabilité de la communauté franciscaine de Bastogne et c’est là
qu’il put donner le meilleur de lui-même pendant de très longues années.
L’année dernière,
sentant ses forces l’abandonner, il fut contraint de renoncer à
la messe dominicale de Bastogne qu’il
célébra pour la dernière fois la nuit
de Noël.
Vincent passa ses
derniers mois au Chant d’Oiseau chez ses frères franciscains. La semaine
dernière son état s’aggrava et il fut
transféré chez les Petites Sœurs des Pauvres, rue Haute.
Le frère Gilles venait
lui apporter son repas du soir en venant du Chant d’Oiseau et il me
confia que ses derniers mots furent pour ses frères franciscains :
« Je vous souhaite à tous d’être heureux comme je le suis ».
Vincent nous a
quittés vendredi soir à quelques semaines de ses 88 ans et je voudrais
remercier la communauté franciscaine, le frère Gilles et sa nièce Isabelle qui
l’ont entouré dans ses derniers moments
François de Radiguès, le 11 octobre 2014
Ancien du collège de
Marche 1954-1956
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